Article 182 B du CGI : Retenue à la source sur les paiements effectués à des prestataires étrangers
Vous êtes une entreprise étrangère qui fournit des prestations de services à des clients basés en France ? Développement informatique, consulting, design, marketing…
Sachez que l’administration fiscale française peut appliquer une retenue à la source de 25 % sur vos paiements, même si vous n’avez aucune présence physique en France. C’est le mécanisme de l’article 182 B du CGI.
Vous fournissez des prestations de services à des entreprises clientes en France (IT, consulting…) ? Voici les éléments à garder en tête !
Une retenue à la source… même sans présence en France
L’article 182 B du CGI prévoit qu’une entreprise établie en France doit appliquer une retenue à la source sur les paiements effectués à un prestataire étranger dès lors que la prestation est fournie ou utilisée sur le territoire français.
Autrement dit, même si le prestataire est basé à Casablanca, Genève, Tunis ou Montréal, le fait que son service bénéficie à une entreprise en France suffit à faire entrer l’opération dans le champ de la retenue.
Exemple concret : l’appel (trop tardif) d’un client français
Un entrepreneur marocain que j’ai récemment accompagné l’a appris à ses dépens. Depuis plusieurs années, il collaborait avec des sociétés françaises. Aucun problème apparent… jusqu’à ce que l’un de ses clients fasse l’objet d’un contrôle fiscal.
L’administration française a exigé une régularisation : 33,33 % de retenue à la source sur les sommes versées, non appliquée à l’époque (calculé "en dedans" - le montant versé étant considéré comme net- le taux est donc porté à 33,33%. Résultat : le client français a été redressé et a demandé au prestataire de rembourser la retenue non opérée.
Ce genre de situation peut mettre à mal la relation commerciale… et affecter sérieusement la trésorerie du prestataire étranger.
Quelles sont les conditions d’application de l’article 182 B ?
Pour que la retenue à la source soit exigible, trois critères doivent être réunis :
Le débiteur du paiement exerce une activité en France
La prestation est rendue ou utilisée en France, sans que le prestataire dispose d’un établissement stable sur le territoire.
Dans ce cas, la société française doit retenir :
25 % sur le montant versé (ce taux correspond à l’IS en France).
75 % si le prestataire est domicilié dans un État ou territoire non coopératif (ETNC).
Important : si la retenue n’a pas été prélevée, le taux de 25 % s’applique “en dedans”, ce qui signifie que le montant versé est considéré comme net. Le coût réel pour le prestataire est donc plus proche de 33,33 %.
Peut-on éviter cette retenue à la source ?
La bonne nouvelle, c’est que beaucoup de conventions fiscales bilatérales neutralisent l’application de cette retenue, à condition de justifier :
Que le prestataire est résident fiscal dans un pays conventionné avec la France ;
Qu’il ne dispose pas d’un établissement stable en France.
Il est donc essentiel de fournir un certificat de résidence fiscale à jour. Mais cela ne suffit pas toujours. Les juridictions françaises peuvent exiger des preuves complémentaires, comme un avis d’imposition ou une attestation de l’administration fiscale étrangère prouvant l’imposition effective, comme l’a exigé la CAA de Paris dans une récente décision.
Illustration jurisprudentielle
Dans une décision récente (CAA Paris, 14 mars 2025), la société française MCPF a été redressée après avoir rémunéré des consultants basés en Allemagne et en Suisse sans appliquer la retenue. Bien que des documents fiscaux aient été produits par les consultants, la Cour a jugé qu’ils ne démontraient pas clairement l’imposition effective, et a validé le redressement.
Comment sécuriser vos paiements transfrontaliers ?
Pour les prestataires étrangers :
Anticipez en discutant avec vos clients français de la possibilité d’une retenue.
Fournissez un certificat de résidence fiscale et, si possible, des documents probants relatifs à votre imposition.
Demandez conseil à un fiscaliste pour structurer vos contrats et flux de manière sécurisée.
Pour les entreprises françaises :
Identifiez rapidement si la prestation entre dans le champ de l’article 182 B.
En cas de doute, demandez des justificatifs solides à votre prestataire.
Appliquez la retenue si les justificatifs sont insuffisants, pour éviter tout risque de redressement.
En résumé
L’article 182 B du CGI est une disposition redoutable mais évitable, à condition d’anticiper, de documenter et de sécuriser les échanges. Il s’applique sans distinction de pays – y compris ceux disposant d’une fiscalité comparable à celle de la France.
Si vous êtes un prestataire étranger travaillant avec des clients français, ou une entreprise française qui fait appel à des consultants ou freelances à l’étranger, vous devez impérativement intégrer ce risque dans votre stratégie contractuelle et fiscale.